En temps normal, la fin du mois de mars constitue le déclenchement des grandes manoeuvres pour l’ensemble des championnats européens, et c’est évidemment le cas pour l’OM qui devrait être en train de tracer les grandes lignes de son mercato estival. Sauf que là, crise du coronavirus oblige, les cartes sont évidemment redistribuées. Comme tout le monde, les décideurs, les agents, les scouts et les techniciens sont enfermés chez eux. La planète football s’étant arrêtée de tourner, la plupart des plans seront forcément à revoir, comme l’explique au Phocéen l’agent marseillais Yvan Le Mée :
« Le mercato aura un tout autre visage, c’est certain. Concernant les agents, nous sommes normalement en voyage au moins quatre jours par semaine, et tout est évidemment annulé. On ne peut plus aller voir les clubs, les joueurs et prendre des rendez-vous ».
De quoi tout remettre en cause ? C’est bien possible. Déjà, ce blackout tombe à une période ou tout se décide. Celle où les clubs recruteurs et vendeurs affinent leurs choix en fonction de leur projection sur la saison prochaine. La crise tombe donc au moment-clé, pour les décideurs comme pour les joueurs concernés.
« C’est la période cruciale du mercato. Celle de la dernière ligne droite où on dit à nos joueurs que c’est le moment d’être bon, car c’est là que les décisions se prennent. Les clubs vont devoir reprendre leur travail en amont, car ils ont fait des réunions lors des dernières semaines pour décider sur quels joueurs ils allaient concentrer leurs observations. Il ne restait plus qu’à valider, c’est-à-dire aller les voir encore deux ou trois fois pour arrêter leurs choix, pour appuyer sur le bouton comme on dit. Là, tout est remis en cause avec l’arrêt des championnats »
D’autant plus délicat que les matches sont non seulement suspendus, mais qu’on ne sait absolument pas quand et comment la saison va se terminer.
Il ne s’agit pas d’expliquer qu’il n’y aura pas de mercato, car il y en aura un, mais plutôt de savoir comment il va se dérouler. L’impossibilité de voir les joueurs va forcément transformer l’ensemble des processus, et les recrutements vont se faire différemment, avec les risques que cela comporte.
« Entre nous, on dit que l’on va avoir un mercato Wyscout (célèbre logiciel de recrutement), ce qui signifie un mercato vidéo. Il va y avoir un gros travail entre les directeurs sportifs et les analystes-vidéo au sein des clubs. Ces derniers sont toute la journée dans leurs bureaux à regarder des matches et des statistiques. Le poids des responsabilités sur ce mercato va reposer beaucoup plus sur eux, car les décideurs ne peuvent plus aller au stade. En temps normal, les directeurs sportifs souhaitent voir le joueur en live une dizaine de fois avant de se décider. Là, ils se contenteront de regarder les vidéos »
La bonne vieille recette des années 80-90, lorsque l’on recrutait des joueurs étrangers sur la foi de cassettes VHS forcément trompeuses, avec tous les bides que cela impliquait ? Bien sûr que non, car les technologies ont évolué et que plus aucun détail n’échappe aux analystes. Mais la donne va changer, y compris au niveau des tarifs dont la flambée de ces trois dernières années va forcément connaître un coup d’arrêt. Aux recruteurs de s’adapter…